Extrait
Extrait de la préface de Remi Rousselot
Jamais on aurait attendu qu’un tel livre soit lauréat du prix Goncourt, même si le prestige de celui-ci était loin de celui que nous lui connaissons aujourd’hui. En 1908, les jurés du Goncourt décidèrent au quatrième tour de couronner Écrit sur de l’eau, faisant entrer dans l’histoire littéraire un jeune homme de vingt-huit ans : Francis de Miomandre.
Or, l’argument et la trame du livre sont d’une légèreté absolue. C’est un pied de nez de Miomandre qui met dans ce roman, son deuxième, autant de frivolité que d’inconsistance. Volontairement, car le sujet est sérieux : l’amour, et la jeunesse qui passe. André Gide s’interrogea : «Sur quel ton parler de ce livre léger ? Léger comme une bulle, inconsistant, bizarre, il se dérobe sous la critique et semble sans cesse en formation. Il pourrait être insupportable ; il est charmant. L’auteur s’y ébroue gracieusement et avec une non feinte jeunesse ; tour à tour réaliste mais plein d’humour et d’ironie, amoureux déplorablement chimérique, à la fois tendre et narquois, il rit des déplaisances de la vie et ne prend au sérieux que sa sentimentalité discrètement triste.»
Ainsi Miomandre raconte sur un ton badin et faussement détaché les aventures de son probable aller ego, Jacques de Meillan (coquetterie de la particule pour un auteur sans autre famille véritable que son jeune frère, Paulin, à qui il dédie ce livre), qui est dans sa dix-neuvième année (laquelle est «comme un ver dans le fruit de sa jeunesse vermeille»), s’interroge sur l’amour, traîne dans sa Marseille natale très début de siècle et attend de participer à son premier bal. C’est charmant, c’est doux, et puis tout s’enchaîne.
N’en déplaise au lecteur, pourtant, Miomandre s’égare, l’entraîne dans des situations comiques, s’épanche, ce qui permet tout à la fin des fulgurances, des moments de poésie pure, des sarcasmes. Somme toute Miomandre l’avait annoncé dès l’avertissement qu’il adressa au lecteur au début d’Écrit sur de l’eau : «Je t’assure, pour peu que tu aies aimé les femmes, la mer, les couchers de soleil, la littérature symbolique, les relations au hasard et les petits animaux familiers […] tu te retrouveras dans le héros de ce livre. Si tu aimes t’attarder quand tu es en route […], si tu connais les charmes du loisir et de la divagation, tu goûteras mon livre. Il ne demande aucun effort pour être lu. Que tu l’ouvres par le milieu, il te sera aussi intelligible que si tu l’abordes au premier chapitre. Pareil à l’éternité, il n’a ni commencement ni fin, mais il est moins long.»
Alors tout est permis : les rires et les promenades inutiles d’abord ; la critique de la société provinciale qui trompe et paraît, qui a pour nom Lanturlut, Rappapont ou Bombard ; la moquerie du monde des affaires ou de façon à peine voilée on reconnaîtra les affres dans lesquelles s’est précipité le père de Francis de Miomandre lui-même, aventurier, grand absent et homme d’affaires pathétique ; l’amour des femmes ; la fascination pour le monde animal, car dès le premier chapitre apparaissent ici et là, dans l’appartement marseillais, une tortue «qui n’a rien mangé depuis quatre mois» et un vautour qu’il faut «maintenir dans la cuisine».
Revue de presse
C’est donc Francis de Miomandre qui sera couronné pour son roman Ecrit sur de l’eau. Le Goncourt ne peut pas lui échapper. Et cela d’autant moins qu’il lui fut attribué dès 1908, et que ce livre est donc une réédition. A cette époque, le fameux prix n’était pas la garantie d’un succès…
Avouons que l’anecdote du roman est des plus minces. Jacques de Meillan, jeune homme oisif, vit à Marseille aux crochets très émoussés de son père, homme d’affaires fantasque qui brasse surtout du vent…
Il s’éprend d’une passante aussi belle que le fantasme de l’amour – la manière dont il l’aborde est une merveilleuse leçon de drague qu’il faudrait apprendre par coeur afin de réenchanter un peu nos rencontres amoureuses. Ce garçon, sur Meetic, aurait fait un malheur. Il sera déçu, pourtant, c’était couru. Pas le lecteur, charmé de bout en bout par cette écriture joueuse qui ménage une surprise après chaque virgule et fait naître des émotions que la vie sans littérature ignore. Décidément, non, il ne serait pas bête d’attribuer à nouveau le Goncourt à ce livre cette année. (Eric Chevillard – Le Monde du 10 octobre 2013)
Présentation de l’éditeur
En 1908, les jurés du Goncourt couronnèrent Écrit sur de l’eau, faisant entrer dans l’histoire littéraire un jeune homme de vingt-huit ans : Francis de Miomandre. Or l’argument et la trame du livre sont d’une légèreté absolue. C’est un pied de nez de l’auteur qui met dans ce roman autant de frivolité que d’inconsistance – volontairement car le sujet est sérieux : l’amour et la jeunesse qui passe. Ainsi Miomandre raconte sur un ton badin et faussement détaché les aventures d’un très jeune homme, Jacques de Meillan, qui s’interroge sur l’amour, traîne dans sa Marseille natale très début de siècle et attend de participer à son premier bal. C’est charmant, c’est doux. Avec Écrit sur de l’eau, c’est une sucrerie très légère qui nous est proposée et qu’on redécouvre avec attendrissement – une sucrerie parfois amère. Ça pourrait être un mauvais roman à l’eau de rose, c’est un délice littéraire.
Francis de Miomandre 11880-1959) est l’auteur d’une oeuvre curieuse et abondante et le premier traducteur de grands textes de la littérature hispanique (Cervantès, Unamuno, Asturias…). Aujourd’hui complètement oublié, ce dandy, ami de Gide, Suarès, Larbaud, Breton, Supervielle, Desnos, Milosz, Soupault, Claudel et de beaucoup d’autres, fut le témoin des aventures littéraires du XXe siècle, toujours présent, fêté, jusqu’aux dures années de l’après-guerre, où il fut mis à l’écart tant il incarnait le vieux siècle précieux. Rémi Rousselot vient de lui consacrer une biographie, Francis de Miomandre, un Goncourt oublié (La Différence, 2013).
Biographie de l’auteur
Francis de Miomandre (1880-1959) est l’auteur d’une oeuvre curieuse et abondante et le premier traducteur de grands textes de la littérature hispanique (Cervantès, Unamuno, Asturias…). Aujourd’hui complètement oublié, ce dandy, ami de Gide, Suarès, Larbaud, Breton, Supervielle, Desnos, Milosz, Soupault, Claudel et de beaucoup d’autres, fut le témoin des aventures littéraires du XXe siècle, toujours présent, fêté, jusqu’aux dures années de l’après-guerre, où il fut mis à l’écart tant il incarnait le vieux siècle précieux. Remi Rousselot vient de lui consacrer une biographie, Francis de Miomandre, un Goncourt oublié (La Différence, 2013).
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