Extrait
Extrait de la préface
Top – Le pari est lancé
Pendant un quart de siècle, une douzaine de femmes «passionnées de montagne» se sont lancées dans un pari, dont les règles ont été maintes fois redéfinies au fil des ans. Objectif annoncé : être la première à réaliser le «projet 14». Les huit mille sont alors devenus un haut lieu du tourisme et, plus encore, du féminisme. Paradoxalement, l’on n’a jamais connu pire héroïsme et machisme dans les plus hautes montagnes du monde.
En 2010, les femmes ont enfin gravi les plus hautes cimes. Elles ont atteint un niveau de performance tel qu’elles se sentent comme les hommes qui se gaussent de celles et de ceux qui sont restés en bas. Ces femmes sont à présent auréolées d’une forme d’héroïsme forcé. Certaines ont même qualifié l’homme de puissance démoniaque qui les aurait attirées à lui pour s’approprier leur exploit après qu’elles sont parvenues au sommet par leurs propres moyens.
Au vu des accidents qui tournent généralement à la tragédie dans les plus hautes montagnes du monde, les auxiliaires qui accompagnent ces femmes se trouvent néanmoins dans une situation délicate. C’est avec un ricanement sardonique qu’ils évoquent la «fin de la caravane des rêves», telle que Wanda Rutkiewicz l’avait mise en scène pour sauver la femme, ou encore le «statut 14», proclamé par deux Européennes avant même d’avoir le moindre espoir d’être la première à l’acquérir. Comme si le simple fait de l’annoncer permettait d’accéder par anticipation au dépassement de soi et à une gloire future. Qu’elles se rapprochent de quelques imposteurs qui s’étaient adonnés à ce jeu il y a vingt-cinq ans n’est déjà pas de bon augure. En effet, celui qui a l’ambition de s’accorder avec le plus grand nombre sur les objectifs et la morale sacrifie l’individualisme et le rayonnement sur l’autel de la normalisation. Pourtant, les femmes avaient de meilleures cartes en main que nous, les hommes, pour sortir émancipées de ce «jeu de souffrances» imposé dans la zone de la mort ! Pourquoi à nouveau tant d’intransigeance, d’arrivisme, d’accusations mutuelles ? Pourquoi une telle défiance entre les rivales ? Toute la poésie ne réside-t-elle pas dans leur vulnérabilité, la magie de leur entreprise n’est-elle pas dissimulée sous le voile du possible ? Je m’interroge sur les raisons qui poussent les femmes à se faire l’écho de nos fanfaronnades. Pour pouvoir être de la partie en tant que femme ? En tout cas, j’ai rarement été autant honni qu’en 1989, lorsque j’ai amené ma petite-fille au camp de base du versant sud du Lhotse.
Des femmes qui souhaitent défier les montagnes, il en existe depuis plus d’un siècle. Elles regardent l’homme grimper puis s’éloigner et ferment les yeux. Si seulement je pouvais être là-haut ! «Et qui y a-t-il, là-haut ?» demandai-je un jour, plus précisément lors de la première ascension par une femme du versant nord du couloir Macho. Je n’obtins alors aucune réponse. A quoi une femme peut-elle donc bien penser, quand elle plonge son regard dans l’infini ? Une mère songe d’abord à ses enfants restés à la maison. Un père aussi d’ailleurs pense manquer à ses enfants. D anticipe déjà son état d’esprit au retour : «Les retrouvailles seront émouvantes dans quelques mois.» Comme l’exprime parfaitement ma fille cadette : «Tous là !» Mon égoïsme n’est pas condamné uniquement parce que je suis un homme.
Voici à peine un siècle, on trouvait encore indécent de voir une femme en tenue de ski. En 1974, une expédition féminine atteint pour la première fois un sommet de plus de 8 000 mètres. Trente-cinq ans plus tard, parmi les vingt-deux alpinistes parvenus au sommet des quatorze plus de 8 000, se trouvent deux femmes. Comme dans de nombreux domaines, le XXe siècle a donc été déterminant pour ouvrir au deuxième sexe les portes de l’alpinisme. Quelles ont été les pionnières en la matière ? Et à quel prix ? Reinhold Messner brosse le portrait de ces femmes d’exception : Hettie Dyhrenfurth, qui conserva longtemps le record d’altitude pour une femme, Junko Tabei, surnommée « Madame Everest», ou, plus récemment, l’Espagnole Edurne Pasaban, l’Italienne Nives Meroi, l’Allemande Gerlinde Kaltenbrunner, sans oublier bien sûr la Française Catherine Destivelle…
BIOGRAPHIE & INFORMATIONS
Nationalité : Italie
Né(e) à : Bressanone, Tyrol du Sud (Italie) , le 17/09/1944
Biographie :
Reinhold Messner est un alpiniste italien, considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs du XXe siècle.
Il a accompli de nombreuses « premières », notamment l’ascension du « toit du monde » sans l’aide de l’oxygène en 1978 (avec Peter Habeler), l’Everest en solitaire en 1980, les 14 sommets de plus de 8000 mètres (tous sans oxygène), les Seven Summits, c’est-à-dire les points culminants des sept continents (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Afrique, Europe, Asie, Antarctique et Océanie).
Reinhold Messner est le premier alpiniste qui a insisté sur l’importance d’une préparation stricte (sports d’endurance, alimentation) avant d’aller affronter les hautes altitudes.
Il fut profondément marqué par la perte de son frère Günther sur le Nanga Parbat en 1970, suivie d’une descente dans des conditions épouvantables. Plus de trente ans après, il raconta cette expérience tragique dans son livre « La montagne nue ».
En 1990, il réalise la traversée de l’Antarctique (départ de Patriot Hills, arrivée à Mac Murdo en passant par le pôle) avec Arved Fuchs en 92 jours (2400 km) en tirant des traîneaux.
En 2004, il effectue la traversée du désert de Gobi à pied (2000 km).
Depuis 2003, il se consacre au projet de la réalisation d’un ensemble de musées consacrés à la montagne (les MMM, Messner Mountain Museums). Plusieurs sont aujourd’hui ouverts (à Bolzano, Sulden, etc.)
En 2010, il a reçu un Piolet d’Or pour l’ensemble de sa carrière.
- Éditeur : Arthaud (18 novembre 2011)
- Note moyenne : 4.25/5 (sur 4 notes)
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