Présentation de l’éditeur
À New York, dans les années 1940
Une fois le verre devant lui, il se sentit mieux. Il ne le but pas immédiatement. Maintenant qu’il le pouvait, il n’en éprouvait plus le besoin. Au contraire, il s’offrit le luxe de l’ignorer pour un temps. Il alluma une cigarette, sortit plusieurs enveloppes de sa poche, déplia et parcourut une vieille lettre, rangea le tout et commença à chantonner doucement. Puis il se joua la comédie subtile et étudiée de l’ennui : il se regarda dans la glace sombre du bar, comme perdu dans ses pensées ; tripota son verre, le tournant et le retournant ou le faisant glisser d’avant en arrière sur la surface mouillée du comptoir ; dansa d’un pied sur l’autre ; lança un regard dans la direction d’un couple d’inconnus qui se tenaient au bar un peu plus loin, les toisant de haut, une minute ou deux, d’un œil critique, et, estima-t-il, d’une façon aristocratique. Et quand, pour en finir, il leva le verre jusqu’à ses lèvres, ce fut avec un air excédé qui semblait dire : » Ma foi, je suppose que je ferais aussi bien de le boire, maintenant que je l’ai commandé. «
Biographie de l’auteur
Charles Jackson est né dans le New Jersey en 1903, et a grandi à New York. Sa jeunesse est marquée par plusieurs drames : la disparition brutale de son frère et de sa sœur dans un accident de voiture ; son enfermement pendant cinq ans dans un sanatorium où il manque mourir de la tuberculose. En 1944, Charles Jackson écrit son premier roman, Le Poison, un best-seller immédiat inspiré par sa vie et ses propres démons, adapté au cinéma par Billy Wilder en 1945, qui paraît en France chez Julliard en 1946. Trois romans suivront, qui ne connaîtront pas un tel succès. Alors que ses problèmes d’alcoolisme et sa bisexualité l’éloignent de sa femme et de sa famille, Charles Jackson meurt d’une overdose le 2 octobre 1969, à New York, lors même qu’il écrivait une suite au Poison.
Editeur : Belfond (1 septembre 2016)