TRAVAILLER À TOUT PRIX – Cédric PORTE & Nicolas CHABOTEAUX

UNE TRAJECTOIRE TOUTE TRACÉE

«Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu.»
Jean d’Ormesson.

NICOLAS

Je suis ce que l’on pourrait appeler un homme heureux.
Marié, deux enfants superbes – forcément -, une condition physique à faire pâlir un sportif de haut niveau, un boulot dans lequel j’ai plaisir à m’investir et qui me le rend bien… C’est une évidence, la vie me sourit.
Tout ne m’a pas été servi sur un plateau, mais j’ai l’intime conviction d’avoir accaparé la chance plus que de raison.
Bien sûr, l’argent – qui ne fait pas le bonheur mais y contribue largement – est aussi un précieux compagnon de route. Il est chez moi à sa juste mesure : suffisant pour ne pas avoir à compter tous les mois, insuffisant pour conserver une bonne part de rêves. En réalité, sans être trop présent, il a su se faire une place de choix, à côté de la chance.
Tel un poisson dans son aquarium, je nage dans le bonheur. Sans m’en rendre compte, en vrai poisson. Car le bonheur a cette particularité d’être invisible pour ceux qui le vivent au quotidien.

Au sortir de brillantes études supérieures de commerce, où j’ai essentiellement appris à tenir l’alcool, me voici prêt à affronter le marché du travail. Le hasard m’amène à envoyer ma première candidature à BFM, alors toute jeune radio à dominante économique. L’audiovisuel m’a toujours attiré. Déjà tout petit, je me plaisais à capter les regards de mes proches par mes pitreries : intégrer un média n’en serait que le prolongement naturel.
BFM recherche un chroniqueur boursier. Non pas que les marchés financiers n’aient aucun secret pour moi, mais voir des actions grimper puis descendre pour ensuite atteindre des sommets m’incite à comprendre le mécanisme de ces montagnes russes.
Lors de l’entretien d’embauché, pas de questions techniques. Ouf ! En réalité, je crois comprendre que le directeur de l’information aurait été sans doute plus incompétent que moi dans ce domaine. Aussi, après une brève discussion sur «ma vie, mon oeuvre» – à vingt-trois ans, on en a vite fait le tour -, je me prête à un petit exercice d’écriture et de lecture devant micro, et l’affaire est conclue. La chance s’est glissée dans ma bouche sans même que je m’en aperçoive…

Alors que le chômage fait des ravages, doit-on tout accepter pour conserver son emploi ? Dans un livre témoignage, Cedric Porte et Nicolas Chaboteaux dénoncent les agissements totalitaires dans leur ancienne entreprise. Effrayant portrait d’un monde où»travail» rime avec»bétail»…
Dans une société où 7,5 % des travailleurs sont précaires, les conditions de travail sont souvent reléguées au dernier plan. En 2012, un salarié sur cinq se disait harcelé moralement au boulot…
Depuis la publication du livre, les deux auteurs ont reçu plus 250 lettres de témoignages. Une thérapie collective qui unit des milliers d’anonymes. (Margaux Carpentier – Les Inrocks, avril 2015)

Didiiiier… mais il est où ce con ? Vous n’avez pas vu Didier ? De toute manière, je ne sais pas pourquoi je vous pose la question, vous ne savez jamais rien ! (…) Alors, vous ne moufetez pas, vous ne l’ouvrez que pour dire bonjour et au revoir, rien d’autre. Si le client vous pose une question, vous ne répondez pas. Vous n’êtes pas autorisé à parler. « 
Après des années de chômage, Cédric et Nicolas retrouvent un boulot. Un parfum d’espérance souffle sur leur vie. Ils sont loin d’imaginer ce qu’ils vont subir. Bienvenue chez MSS, une PME dirigée par une patronne, façon tyran nordcoréen. Ici, règne le management par la terreur : délation, humiliation, contrôle absolu de l’individu. Cédric et Nicolas troquent un enfer contre un autre, plus pernicieux, plus violent. Mais que faire ? Le travail, leur bouée de sauvetage, les attire vers le fond…
Aujourd’hui, pour certains dirigeants d’entreprises, le niveau élevé du chômage constitue une aubaine. D’abord parce que l’adage  » un de perdu, dix de retrouvés  » n’a jamais été aussi vrai. Ensuite, et surtout, parce que la peur de la précarisation développe chez les individus une aptitude à la soumission hors norme. Une plongée dans les méandres d’une pratique scandaleuse en compagnie de deux salariés qui ont failli y laisser leur santé, leur personnalité, voire leur vie ! Un livre choc, souvent drôle car avec le recul les auteurs ont appris à rire de leurs
déboires, mais aussi un manifeste pour redonner espoir à toutes les victimes du  » travailler à tout prix « .